Les tickets de caisse pour les petites courses, c’est bientôt fini
Pour les achats de moins de 30 €, le gouvernement veut supprimer d’ici 2022 l’impression automatique. Selon nos informations, les relevés de carte bancaire sont aussi dans le collimateur. Le projet est présenté lundi à l’Assemblée nationale.
Par Odile Plichon Le 23 novembre 2019 à 19h10
Vous n'en pouvez plus de ces tickets de caisse et autres relevés de carte bleue qui encombrent votre porte-monnaie ? Vous en serez sûrement bientôt débarrassé. Dans le cadre du projet de loi contre le gaspillage porté par la secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire Brune Poirson, plusieurs amendements soutenus par le gouvernement, qui seront examinés par la commission Développement Durable lundi soir, visent à éradiquer progressivement ces petits bouts de papier.
Le premier amendement, porté par la députée LREM de l'Hérault Patricia Mirallès, s'attaque aux tickets de caisse dans les surfaces de vente. A compter de septembre 2020 - et non février comme initialement prévu -, ne seront imprimés les tickets de caisse de moins de 10 € que si le client le demande. Ce seuil sera ensuite porté à 20 € en 2021, puis à 30 € au 1 er janvier 2022, à l'instar de ce que font déjà nos voisins anglais et danois, précise l'exposé des motifs. « Cela générerait des économies de papier importantes, souligne Patricia Mirallès. Elle a calculé que le seul « hypermarché Auchan proche de chez moi produit 849 km de papier par an! Et puis, le bisphénol A de ces tickets thermiques a beau avoir été remplacé par du bisphénol F ou S, les médecins recommandent notamment aux caissières enceintes de ne pas y toucher… »
«Sauf demande contraire du client»
Selon nos informations, un autre amendement soutenu par le gouvernement devrait également être examiné lundi soir : l'interdiction, début 2022, de l'impression des tickets de carte bancaire, « sauf demande contraire du client ». Enfin, plusieurs amendements portés par la députée mais sur lesquels le gouvernement ne s'est pas encore prononcé, et qui seront examinés cette fois en séance publique à compter du 9 décembre, visent à ne plus imprimer systématiquement les tickets sortant d'automates, mais aussi les bons d'achat, ou encore les tickets de caisse édités dans des établissements recevant du public (restos U par exemple).
Si le principe - écolo et économe -, est simple, la mise en musique sera peut-être plus délicate. D'abord, il faudra compter avec les réticences psychologiques des clients, dont certains sont attachés à leurs tickets. « Je vérifie les tarifs, je regarde les promos, bref j'y suis attachée », reconnaît ainsi Adeline, la trentaine. Bien d'autres Français, eux, conservent par ailleurs leurs relevés de « CB ». Certains magasins renâclent : « cela nécessitera des développements informatiques complexes et coûteux, d'autant qu'il y a souvent des bons d'achat qui sortent avec les tickets de caisse », souligne ainsi le représentant d'une enseigne. A la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), Jacques Creyssel ne se dit « pas hostile sur le principe, mais on demande du temps ». Surtout, pointe-t-il, « le ticket de caisse permet aux contrôleurs de vérifier qu'il n'y a pas eu vol, et sert surtout de garantie en cas d'échange. » Compliqué de s'en passer totalement, donc…
Voilà pourquoi beaucoup de commerçants se sont lancés dans la dématérialisation des tickets de caisse, comme Promod, qui fut l'un des précurseurs en 2016. « 60 % de nos clientes préfèrent désormais que nous leur envoyions leur ticket de caisse par mail, car en cas de besoin elles le retrouvent ensuite plus facilement », souligne Frédéric Lefebvre, son directeur marketing.
Avec ce système, les enseignes aussi sont gagnantes. Car pour envoyer les tickets par mail, encore faut-il que les acheteuses renseignent leurs coordonnées personnelles… Du coup, les commerçants récupèrent un fichier client fiable.
Inverser l'édition des tickets de CB ?
Autre avantage : la comptabilité. « Les commerçants sont tenus de garder leurs tickets de caisse dans leur comptabilité », rappelle Dimitri Farber, le DG de Tiller, qui a équipé 8000 commerces à ce jour. Or, un sondage fait par son entreprise a montré que les commerçants ayant franchi le pas citaient d'abord une économie de temps (il est plus facile de retrouver un ticket en cas d'échange), puis des préoccupations écologiques (économies de papier) et enfin financières. « Depuis 2017, la part des enseignes intéressées a bondi, passant de 30 à 50 % », confirme Romain Schott, le patron de la société Limpidius, qui a accompagné Decathlon, Camaïeu, Bio C'Bon, ou encore Lacoste dans cette mutation.
Pour ce qui est des relevés de carte bancaire, enfin, si le gouvernement affiche un objectif à horizon 2022, tout n'est pas réglé. Aujourd'hui, le premier ticket qui sort est celui du client, le second revient au commerçant. Or, ce dernier est dans l'obligation de garder un relevé. « Il faudra donc préciser, sûrement par voie réglementaire, l'inversion de l'édition des relevés », précise-t-on dans l'entourage de la députée Patricia Mirallès.